[Les nouveaux visages de la culture bretonne : 4/6] : Nolwenn Faligot, la tradition bretonne en mode « stylé »
Sa mode haut de gamme et responsable tisse des liens entre la Bretagne et le reste du monde. Revenue créer sa marque au pays en 2021, la styliste finistérienne Nolwenn Faligot, 31 ans, enchante et rayonne.
Soixante tenues, 22 mannequins et un beau challenge. Le mardi 8 août 2023, les robes à double boutonnage, les trench-duffle et autres pantalons à pont, portant tous la griffe celtique de Nolwenn Faligot, vont animer le défilé « Au fil des costumes », sur la 52e édition du Festival interceltique de Lorient. Une vitrine de renom et de circonstance pour la jeune créatrice de mode, qui a sa Bretagne chevillée au cœur et au corps.
"L'invité d'honneur du FIL est l'Irlande cette année. Je m'en réjouis, d'autant plus que ce pays m'inspire dans le travail mais fait aussi partie de mon histoire familiale, souligne la pétillante brune de 31 ans. Mon père (le journaliste et écrivain Roger Faligot) a travaillé là-bas et nous y a emmenées, ma sœur et moi, quand nous étions petites."
De Londres à la Slovaquie
Ici et ailleurs. Voilà qui résume le travail de la Finistérienne. Native de Loperhet, Nolwenn Faligot a donc voyagé enfant, dans les pays anglo-saxons ou encore au Japon. Tout en portant avec fierté le costume du cercle Bleunioù Sivi, de Plougastel-Daoulas, à chaque retour dans le fief breton. "J'y ai dansé jusqu'à mes 18 ans et mon départ pour Londres." Amoureuse du style et du vêtement, la jeune Nolwenn a suivi son instinct outre-Manche : "J'étais attirée par la créativité des Anglo-Saxons et leur côté multiculturel aussi."
London College of Fashion, Kingston University, Central Saint Martins College of Art and Design, l'aventure durera sept ans : "En master, on t'enfonce la tête sous l'eau pour voir si tu nager. J'ai un peu coulé. J'ai rempilé pour un an, le temps de me forger une meilleure carapace. Et je ne regrette pas." Ses débuts de designer dans le stylisme haut de gamme, Nolwenn Faligot va les façonner plus à l'Est, en Slovaquie, pour le compte de la maison NEHERA. "J'ai démarré comme assistante. Deux ans plus tard, je supervisais tout le défilé présenté à la Fashion Week de Paris." Ce coupe d'accélérateur va vite lui donner envie de tenter sa chance en solo. Ce sera en Bretagne, avec la création de sa propre marque signature en 2021.
"Une touche de sophistication dans nos magasins"
À quelques jours du défilé du FIL, la jeune maman s'active entre les croquis, prototypes et autres drapés à mettre en forme sur le mannequin. Son atelier se mêle à sa vie dans sa maison néobretonne, entourée de verdure, à Dirinon. Le salon s'est momentanément transformé en showroom : sur un portant, quelques pièces (caban, robe-tablier, vareuse) rappellent ses collaborations régulières avec "son très gros partenaire", Armor lux.
"Je leur avais demandé du tissu quand j'étais encore en études à Londres. Ils m'avaient permis de contribuer au défilé du 90e Festival de Cornouaille, à Quimper. Jean-Guy le Floch est un soutien des débuts. J'ai grand plaisir à réaliser une capsule (mini-collection) de deux tenues chaque saison depuis!"
"Nolwenn est sérieuse, opiniâtre et a un talent qui s'affirme d'année en année, se félicite le P-DG de la marque de prêt-à-porter bretonne. Ses dessins sont plus proches du monde de la haute couture et donnent du peps et une touche de sophistication dans nos magasins. Elle fait partie des quelques jeunes créateurs que nous sommes heureux de soutenir."
" Réapprendre la valeur des choses"
Roger Faligot, le papa, vante, pour sa part, "le travail militant" de sa fille cadette. "Nolwenn se passionne pour ce qu'elle fait et y met beaucoup de sens. Elle a le courage d'allier féminisme, culture et durabilité." Dans ses vêtements aux lignes confortables et amples, on retrouve parfois la trace du kimono japonais. "Je veux des pièces intemporelles, confortables et qui aident les femmes à avoir confiance en elles", explique la créatrice.
Elle l'avoue, le coût peut paraître élevé. "Mais ce sont des modèles en précommande et en petites séries, réalisés avec des matières nobles (coton bio et lin, si possible issus de stocks dormants) et souvent finis à la main. Je pense qu'il faut réapprendre la valeur des choses."
Son inspiration, Nolwenn Faligot veut désormais aussi la partager avec d'autres créateurs bretons. Présidente de la jeune association PEVARZEK, initiée par l'Institut culturel de Bretagne, à Vannes, elle vient de s'associer à un groupe de brodeurs, peintres, graphistes, tailleurs de pierre, céramistes pour relancer un mouvement culturel, à l'image de celui des "Seiz Breur" (Les Sept Frères), il y a tout juste cent ans.
Designer d'objet, l'autre Finistérien, Owen Poho, se réjouit des collaborations à venir. "On est un peu sur la même matière, avec la même affinité pour la culture bretonne. Il s'agit de ne pas rester chacun dans notre coin." Après l'Interceltique, Nolwenn planchera sur la première exposition commune à Gourin (56). Stylée, il va de soi.
Article écrit par Sophie Prévost, paru dans Le Télégramme - jeudi 03 août 2023